Le bonheur après le drame

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On se plait à imaginer, dans nos rêves les plus idéalisés, le bonheur comme un état permanent. L’expression « … et ils vécurent heureux… pour toujours… » de nos contes d’enfants nous laisse entrevoir cette forte impression d’un bonheur perpétuel qui arrive un jour et qui ne nous quitte plus jamais. Il s’installe dans nos vies et nous reste fidèle. Mais, vous le savez tout autant que moi, la vie n’est pas facile et nous réserve de malencontreuses et tragiques surprises qui viennent altérer notre conception d’un bonheur facile.

L’année 2010 fut probablement l’année la plus difficile de toute ma vie. Pourtant, je croyais m’être habitué aux drames et aux déboires que la vie apporte parfois. J’ai perdu mon père à l’âge de 8 ans et ma mère à l’âge de 25 ans, tous les deux terrassés par des cancers foudroyants en moins de trois semaines. Mais, les événements qui sont survenus du mois de juin à au mois de décembre 2010 m’ont affecté par-dessus tout ce que j’avais vécu jusqu’alors.

Le 29 novembre, après 159 jours d’un combat acharné et courageux contre le cancer, ma femme rendit son dernier souffle.
En effet, le 23 juin 2010, ma femme est rentrée au travail comme à l’habitude dans un grand hôpital montréalais où elle exerçait ses fonctions d’adjointe à un médecin. Depuis un certain temps, elle avait remarqué de petites taches bleues qui s’étaient répandues, çà et là, sur certaines parties de son corps. Ce matin-là, elle s’informa tout bonnement à une collègue médecin qui, sans lésiner, lui fit passer toute une batterie de tests sanguins. À la fin de la même journée, le verdict tomba de façon impitoyable : leucémie aigüe myéloïde.
 
Je vous épargnerai les détails du choc initial et le déroulement des mois qui suivirent : les diverses séances de chimiothérapie et les effets secondaires, les tests à répétition, les échecs des divers traitements, le transfert vers les soins de palliation et par-dessus tout, les hauts et les bas, les espoirs et les désespoirs. Le 29 novembre, après 159 jours d’un combat acharné et courageux contre le cancer, ma femme rendit son dernier souffle. Ses souffrances étaient maintenant terminées et elle reposait en paix dans la présence de son Seigneur et Sauveur. Par contre, pour moi et nos enfants, tout n’était pas terminé. Au-delà de l’ineffable confrontation à la perte, nous savions que de longs mois de peine, de tristesse et de deuil se profilaient devant nous. 

Est-ce qu’il y a un bonheur après le drame ?

Le bonheur a été une préoccupation omniprésente tout au long de ma vie. Il y a 2 raisons particulières à cela. La première, toute simple, est que, comme tout humain, je recherche cet état de bien-être et de sérénité et je participe à la même quête universelle que constitue la poursuite du bonheur. En second lieu, de par mes fonctions de pasteur et de thérapeute, j’ai passé la plus grande partie de ma vie à rencontrer des gens avec des vies brisées, des conditions désolantes, aux prises avec des relations malheureuses et douloureuses.

Certains ont été victimes d’abus innommables, d’autres ont dû affronter des tragédies invraisemblables. Immanquablement, à côtoyer cette souffrance chaque jour, on s’interroge sur la question du bonheur. Est-ce une chimère ? Une illusion ? Une quête inutile alimentée par le désespoir ? Est-ce que le bonheur est seulement pour les biens portants et les mieux nantis ? Voilà pourquoi, en 2007, j’ai écrit un livre intitulé « Marcher sur le chemin du bonheur » qui visait à présenter le bonheur sous l’angle du christianisme et à rassembler mes découvertes à ce sujet. Je me suis inspiré particulièrement des « Béatitudes », ce prélude au Sermon sur la Montagne, où Jésus nous propose une perspective unique et audacieuse du bonheur et des moyens pour y parvenir, peu importe la condition de notre vie.

Mais voilà qu’au cœur des événements qui survenaient dans ma propre vie, je me retrouvais là à m’interroger à nouveau. Était-ce vrai tout cela ? Tout ce que j’avais découvert et écrit et enseigné ? La vie n’était-elle pas au fond une suite de déception et de déboires, de tragédies inattendues où le bonheur n’est qu’éphémère ? Je me souviens des longues heures, au chevet de ma femme, à demander à Dieu de me rassurer face à ce que Jésus disait. J’y avais cru et je voulais toujours y croire. J’avais beaucoup consolé au cours de ma vie et voilà qu’à mon tour j’avais besoin d’être consolé, apaisé. Dans ces moments, nous aimerions tous avoir une divine exemption. Mais, peu à peu, je découvris que le drame et la tragédie n’étouffent en rien notre incessante recherche de mieux-être. Au contraire, le bonheur change de forme comme s’il s’adaptait à notre condition. Il devient plus simple et moins exigeant. Assurément, vous vous posez la question : « À quoi ressemble-t-il alors ? Voici ce que j’ai découvert :

  • Il prend sa source dans la grâce divine

La grâce signifie que Dieu est là au cœur de nos souffrances et qu’Il nous porte.La grâce n’est pas quelque chose de facile à définir. CS Lewis disait qu’elle était la plus grande contribution du christianisme à ce monde. Dieu, lui-même, se définit comme le Dieu de toute grâce. L’apôtre Pierre, dans ses lettres, est probablement celui qui a écrit le plus sur le sujet. Il souligne avec évidence cet aspect de la nature de Dieu lorsqu’il dit : “Le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés en Jésus Christ à sa gloire éternelle, après que vous aurez souffert un peu de temps, vous perfectionnera lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables” (1Pierre 5 : 10). La grâce signifie que Dieu est là au cœur de nos souffrances et qu’Il nous porte. Il renouvelle nos forces mystérieusement lorsqu’on en a plus. Il nous amène à faire un pas de plus lorsque nous nous en sentons incapables. Il nous fait ressentir que la souffrance présente a une limite, qu’elle est circonscrite dans le temps. Bien plus, il nous perfectionne et renouvelle lui-même nos forces. Au moment où l’on se croit terrassé à jamais, Il nous relève par sa grâce toute puissante et nous rend inébranlables.

  • Il s’inscrit dans l’ordre des relations

Mère Térésa a observé que… le plus grand malheur dans la vie est de se sentir seul, sans amour et abandonné de tous ». Elle disait vrai bien sûr. Mais nous connaissons l’antidote à ce malheur : la présence de gens qui nous aiment et qui nous supportent. Par leurs mots et leurs gestes de réconfort, ils nous aident à poursuivre notre route, à continuer sur le chemin de la vie. Dans la détresse, il faut arriver, humblement, au constat que seul nous n’y parviendrons pas. Nous avons besoin les uns des autres. Le poids de la douleur est beaucoup moins lourd lorsqu’il est partagé.

Devant les grands drames de la vie, la consolation est une source de guérison efficaceDans la seconde béatitude, Jésus a dit : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ». De façon résolument simple, il faut pouvoir oser partager sa peine et son désarroi, démontrer sa vulnérabilité pour donner aux autres l’occasion de nous entourer et de nous consoler. Ceux qui ne pleurent pas et qui au contraire s’endurcissent n’ont pas accès au baume que constitue la consolation. Devant les grands drames de la vie, la consolation est une source de guérison efficace et sous-estimée. Rappelons-nous nos petits maux d’enfance et la force de guérison des bras d’une maman. Il y a donc des moments de bonheur inestimables dans le fait d’être entouré par des gens qui nous considèrent et qui ont compassion de nous.

  • Il se nourrit de l’espoir

Après le drame, la vie n’est plus jamais pareille, mais cela ne signifie en rien qu’elle sera pire. Quelqu’un a dit un jour que « le jour où Dieu a créé l’espoir est le jour où il a créé le printemps ». Ces paroles revêtent un sens très pertinent en particulier pour nous, les Nordiques, qui connaissons l’âpreté et la rigueur de longs hivers. Lorsque le printemps arrive, tout comme la nature, nous nous sentons renaître. La force de l’espoir est l’anticipation des jours meilleurs et d’un bonheur renouvelé. Le paradoxe du bonheur est qu’à la fois, il se nourrit des petits moments du quotidien, mais aussi de l’expectative d’un jour nouveau. Les gens sans espérance et sans espoir se laissent mourir à petit feu le reste de leur existence. Parce qu’ils ne croient plus au bonheur, ils prolongent immanquablement le drame passé.

Après le drame, la vie n’est plus jamais pareille. Tout le monde s’en doute. Mais, cette notion de différence semble, à priori, avoir une consonance négative. C’est vrai que la vie ne sera plus jamais comme elle était, mais cela ne signifie en rien qu’elle sera pire.

« Car il est un avenir et ton espoir ne sera pas anéanti »
Prov. 23 : 18


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